À Madagascar, surfer sur le web est désormais entré dans une nouvelle ère. Depuis le 1ᵉʳ avril dernier, une réforme tarifaire d’envergure bouleverse totalement les codes d’accès à Internet dans la Grande Île. Exit les petits forfaits avantageux réservés aux mordus des réseaux sociaux, place à une grille unifiée au gigaoctet pour tous les usages.
Une révolution aux multiples visages qui, si elle tend à démocratiser la navigation en ligne, n’en porte pas moins son lot d’interrogations. Car selon les profils de consommation, cette valse des tarifs Internet pourrait bien s’apparenter à un véritable casse-tête financier pour de nombreux Malgaches. L’équité tant recherchée sur la toile semble encore bien loin…
Le casse-tête des nouveaux tarifs Internet : qui sont les gagnants, qui sont les perdants ?
Si les petits budgets et les accros des seuls réseaux sociaux peuvent se réjouir d’une légère baisse de leur addition, la pilule sera nettement plus amère pour les gros consommateurs de données. Là où il fallait autrefois débourser 175 000 ariary pour se prévaloir d’un généreux quota de 50 Go chez l’opérateur Telma, il faudra désormais se contenter de 41 Go seulement pour la même mise de départ.
Une équation qui semble bien compliquée à résoudre pour les opérateurs télécoms. Comment combiner impératif de neutralité du web, supposant un accès sans discrimination aux services en ligne, tout en préservant leur modèle économique ? Les premières rumeurs de stratégies de contournement commencent d’ailleurs à enfler, laissant présager une impasse guère réjouissante.
Un coup dur pour l’écosystème numérique local ?
Mais au-delà des simples considérations financières pour les utilisateurs finaux, c’est une véritable menace qui plane sur l’ensemble de la création numérique locale. Pour les influenceurs, vidéastes ou autres animateurs de communautés en ligne, cette nouvelle donne tarifaire fait en effet dorénavant figure d’épée de Damoclès au-dessus de leur précaire équilibre économique.
« Avec ces tarifs qui s’envolent pour les data illimitées, beaucoup de nos followers n’auront tout simplement plus les moyens de consommer nos contenus », s’alarme une figure montante du web malgache. Une inquiétude partagée par de nombreux créateurs, qui redoutent de voir leur patiente construction d’audience s’effondrer sous le coup d’un accès trop restreint.
Un vent de fronde qui en dit long sur les craintes de voir cette bouillonnante « génération Giga » locale tout simplement asphyxiée dans l’œuf, privée des ressources vitales à son développement.
Nouvelles batailles en vue pour la démocratisation réelle du web
Mais au-delà des simples remous dans la création en ligne, c’est bien la question d’un Internet démocratique pour tous les Malgaches qui se pose dans son ensemble. Car si la réforme des tarifs insuffle un vent d’équité entre citadins, elle occulte encore la fracture béante avec les zones rurales isolées.
Pour ces campagnes insulaires trop longtemps restées dans l’angle mort des réseaux mobiles classiques, seules des solutions par satellites comme le futur Starlink à Madagascar permettraient de renouer avec l’accès au web. Mais à quel prix ? Les offres de connectivité orbitales demeurent aujourd’hui un luxe encore bien trop onéreux pour la majorité des foyers à faibles revenus.
Autant dire que les sempiternels combats pour l’ouverture et la démocratisation numériques sont loin d’être terminés. Un chantier colossal attend encore les pouvoirs publics pour concrétiser l’ambition d’un Internet équitable et abordable pour chaque Malgache, mais également pour les entreprises d’externalisation informatique.
La lutte sans fin pour l’ouverture et l’émancipation numériques à Madagascar
À la fin, cette valse mouvementée des tarifs Internet dans la Grande Île aura au moins eu le mérite de remettre quelques grandes vérités au goût du jour. La neutralité du web reste un horizon à atteindre, et l’abordabilité des offres une bataille cruciale à poursuivre sans relâche.
Loin des discours lénifiants, les exclus du numérique continuent de se compter par millions à Madagascar. Un constat amer, mais réaliste, qui appelle à faire de l’accès à la connaissance en ligne un véritable droit imprescriptible. La nouvelle frontière des combats citoyens du 21ᵉ siècle se trouve là, plus vitale que jamais.